Leader dans le secteur de l’information marketing depuis plus de quarante ans, Jan Kestle est experte dans l’utilisation des statistiques et des mathématiques pour aider à résoudre des problèmes commerciaux. Elle a dirigé les initiatives qui ont conduit à la création du système de segmentation PRIZM d’EA, de la base de données financières WealthScapes et de la plateforme de veille stratégique ENVISION. Elle a fondé en 2003 Environics Analytics, l’une des principales sociétés de services de données, d’analyse et de marketing d’Amérique du Nord, entreprise qu’elle préside toujours. Lors de Vision PDG, elle a présenté une conférence intitulée « La prise de décision basée sur les données : Changeur de jeu ou échec cuisant ? Comment les responsables techniques peuvent contribuer au succès ».
D’emblée, elle dit avoir vu beaucoup de collaboration entre les 150 dirigeants et dirigeantes réunis à la grande conférence annuelle de l’Association québécoise des technologies (AQT).
« Les entreprises de technologies, de données et d’analytiques ont beaucoup de travail à faire, lance Jan Kestle. Beaucoup de données sont disponibles, mais pour moi, ce sont les histoires qu’elles racontent qui m’intéressent. Les données ne vont pas nous rendre plus intelligents. Est-ce que les décisions basées sur les données fonctionnent ? » Les agences de publicité possèdent énormément de données sur les consommateurs, mais elles ne savent pas les utiliser, croit-elle.
Environics Analytics collecte des données de toutes sortes de sources et de nombreux fournisseurs pour mieux servir les clients qui cherchent des données afin de faire du micromarketing. Dans ce domaine, le Canada s’avère un petit marché, note Jan Kestle.
« Nous combinons et nous les rendons disponibles, précise-t-elle. Aujourd’hui, grâce aux technologies, nous possédons beaucoup de données sur ce que les gens font avec leur téléphone. Il faut donc prendre en compte la vie privée. Les entreprises amassent les données et les outils. Quand je parle aux directeurs financiers et aux PDG, les attentes ne sont pas claires. Dans les années 2002-2003, on avait beaucoup de rapports de CRM (NDLR : systèmes de gestion de la relation client), mais ils ne fonctionnent pas vraiment. Il est important de comprendre que les fournisseurs collaborent pour aider les petites entreprises. L’usage le plus important demeure l’usage traditionnel. »
Les entreprises veulent savoir ce que font les clients, où ils vont et ce qu’ils achètent. Or, elles investissent dans ce qui a fonctionné dans le passé, alors qu’elles devraient le faire dans le futur potentiel. Jan Kestle donne en exemple Cushman & Wakefield, firme qui se classe au top 3 des leaders mondiaux des services spécialisés en immobilier d’entreprise, qui voulait des données sur les visiteurs des centres commerciaux. Environics Analytics l’a aidée à comprendre qui venait dans ces centres commerciaux afin que l’entreprise puisse les atteindre par une campagne. Résultat : Cushman & Wakefield a enregistré une augmentation de 40 % de son positionnement.
Dans un autre cas, General Motors voulait savoir qui venait chez les concessionnaires, qui utilisait le Web et qui se déplaçait pour refinancer sa voiture. Environics Analytics a permis à son client de mieux comprendre les marchés locaux. Dernier exemple, Tourisme Nouveau-Brunswick se demandait quels touristes allaient venir visiter la province dans un contexte postpandémique et d’où ces gens venaient. Environics Analytics a aidé à développer une base de données mobile, indiquer quels lieux de tourisme pouvaient être « géoclôturés » et de voir la segmentation sur les territoires du Canada et des États-Unis. « Tourisme Nouveau-Brunswick a pu définir quel segment de la population venait visiter la province ; cela a permis d’avoir plus d’informations sur les visiteurs et a donné une campagne de publicité axée sur des données », précise Jan Kestle.
Les entreprises qui veulent utiliser les données pour prendre des décisions ont d’importants défis à relever, dit-elle. Il faut que cela fasse partie de la stratégie de l’entreprise pour devenir un impératif. Et il faut que tous les chefs de départements, incluant ceux qui s’occupent de l’intelligence d’affaires, de l’intelligence client, des technologies et du juridique s’impliquent, même si la décision vient du PDG. Les données doivent être nettoyées et les enjeux de vie privée pris en compte. « Être pertinent ne vient pas toujours facilement, note-t-elle. Les perspectives doivent mener à une activation. Les différentes plateformes technologiques doivent se parler entre elles pour arriver à de bons résultats. »
Évidemment, la qualité des données et de l’analytique reste fondamentale. Il faut utiliser différents types de données pour différents types d’utilisation. Les entreprises sont tenues d’adopter des technologies qui célèbrent la méthodologie. La flexibilité et la précision doivent cohabiter et le « facteur cool » ne peut pas prédominer ; il faut aussi prendre en compte les objectifs d’affaires. Il faut également éduquer les clients et les citoyens. « Les données individuelles doivent être anonymes et, enfin, il faut mesurer, sinon on ne sait pas si la stratégie fonctionne », conclut Jan Kestle.