Nommée au poste de présidente et cheffe de la direction de la Banque de développement du Canada (BDC) en août 2021, Isabelle Hudon se trouvait en terrain connu lors de son passage à Vision PDG, la grande rencontre annuelle des dirigeants et dirigeantes d’entreprises membres de l’Association québécoise des technologies. Il faut dire que la salle était remplie de clients potentiels de son institution, a-t-elle expliqué lors de son échange avec Paul Raymond, le président et chef de la direction d’Alithya. Non seulement la BDC offre services financiers et conseils, mais elle investit en technologie par le biais de sa branche BDC Capital.
Isabelle Hudon a pris les rênes de la BDC après quatre ans dans le monde de la diplomatie alors qu’elle occupait le poste d’ambassadrice du Canada en France et à Monaco, ainsi que de représentante du premier ministre du Canada pour la Francophonie. L’offre de la BDC l’a interpellée parce qu’elle pouvait ainsi revenir dans le milieu de l’économie. Après 12 mois à la tête de l’institution, elle a pu se familiariser avec ce que fait la BDC. Comme le secteur ne lui était pas totalement inconnu, elle a pu aller à la rencontre des employés et des clients, ceux du passé et ceux de l’avenir. « Le secteur des assurances se révèle une pente plus à pic. Il a fallu juste régler le scepticisme des actuaires », s’amuse-t-elle à dire, expliquant passer 95 % de son temps à rencontrer des individus. « Il faut d’abord s’intéresser aux gens, aux entrepreneurs et aux partenaires, créer des lieux d’appartenance avec les personnes et non avec les institutions », ajoute-t-elle.
Quelle fut sa plus grande surprise en arrivant en poste ? lui demande le PDG d’Alithya. La qualité des gens, répond-elle sans hésiter. « J’ai travaillé essentiellement dans le privé, raconte Isabelle Hudon. Et les quatre dernières années, j’ai servi mon pays, donc j’ai travaillé avec des fonctionnaires. La diplomatie demeure un milieu opaque et hermétique. En prenant la tête de la BDC, je me suis demandé si j’allais rester dans un système de fonctionnaires et j’ai découvert la qualité des gens. » Jean-René Harde a été à la tête de la BDC pendant dix ans, il a créé la BDC Capital et resserré toute la structure. Aujourd’hui, les partenaires de la BDC sont des sociétés similaires, des institutions financières et non des sociétés d’État.
Lorsqu’on lui demande quelle est sa plus grande force, la PDG n’hésite pas : son impatience, qu’elle ne considère pas comme une faiblesse, car elle génère de l’énergie qui permet de changer et de transformer les organismes. « Il est vrai que la distanciation a mis mon impatience au test, mais j’ai rapidement reconnu que la diplomatie à vitesse lente, c’est aussi correct, dit-elle. Changer un pion peut avoir d’énormes conséquences ; la diplomatie est un jeu d’influence. »
En 2015, Isabelle Hudon fondait l’Effet A, un mouvement propulsé par des leaders pour faire vivre l’ambition féminine qui offre, entre autres, des formations. Il était assez naturel que Paul Raymond l’amène sur le terrain des femmes en technologie. Comment faire pour attirer des femmes dans ce domaine ? D’abord en ayant plus de femmes conférencières à un événement comme Vision PDG, lance-t-elle. Avec un ratio de six femmes sur 20 conférenciers, il y a de la place à l’amélioration.
« Nous, les femmes, nous sommes bonnes à répliquer ce que nous voyons et nous ne sommes pas à l’aise à être des exceptions, dit-elle. Ce n’est pas une motivation forte chez les femmes. Donc, plus on va voir des conférencières, plus elles seront interpellées à venir. » Isabelle Hudon a siégé à de nombreux conseils d’administration où elle était souvent la seule femme et elle a observé que dès qu’il y a trois femmes, les choses se transforment. Les prendre en compte, leur donner des modèles visibles et audibles s’avère nécessaire pour qu’elles prennent leur place. Et dans cette équation, il ne faut pas oublier les communautés, par l’inclusion et la diversité.
La BDC agit depuis plusieurs années pour les femmes en affaires, entre autres, à travers le Fonds pour les femmes en technologie, l’un des plus importants fonds de capital de risque au monde qui investit dans des entreprises technologiques dirigées par des femmes. L’institution s’apprête à lancer une nouvelle mouture de ce fonds qui devrait bénéficier d’un investissement plus important. « L’égalité, c’est donner aux femmes les mêmes chances qu’aux hommes, l’inclusion, s’est d’être invité à danser », conclut Isabelle Hudon.