Après des études en actuariat, David Beauchemin décide de changer complètement d’orientation et poursuit une maîtrise, puis un doctorat en informatique à l’Université Laval. C’est au laboratoire de recherche en intelligence artificielle (IA) qu’il rencontre les collègues avec qui il fonde Baseline, une coopérative qui accompagne les entreprises dans leur transformation numérique grâce à l’IA. Baseline fait partie des sept entreprises récipiendaires des Bourses Jeunes Entreprises remises par l’AQT pour l’année 2023.
Dans cette coopérative de solidarité, un modèle peu commun en TI, les membres sont des travailleurs actionnaires.
« Nous sommes l’une des seules entreprises dans le secteur à avoir adopté ce modèle et la seule qui fait de l’IA, note le directeur général. Pour comprendre ce choix, il faut remonter à 2019, alors qu’Element AI était acquise par l’entreprise américaine ServiceNow. En tant que citoyens, nous avons trouvé cela « poche ». Element AI a obtenu beaucoup de financement et la propriété intellectuelle n’est plus au Québec. Comme société, on fait des investissements dans le développement et l’innovation et après, on vend nos actifs à l’étranger. »
Le modèle coopératif permet d’éviter de tomber dans ce piège.
Baseline, dont la majorité des actionnaires se trouvent dans la région de Québec, vise à faire de l’IA humaine et éthique, ses membres estimant qu’il s’avère possible de développer des logiciels en symbiose avec la société. La coopérative refuse le modèle de la Silicon Valley où des entreprises comme Airbnb ou Uber se fichent de l’économie locale. Certes, leurs innovations font du profit, mais ces entreprises dites d’« économie de partage » ne s’alignent pas à la société.
« Le modèle coopératif nous oblige à nous aligner avec nos valeurs, indique David Beauchemin. Nos bottines suivent nos babines. »
Et s’engager dans l’IA éthique demande de faire des choix. Baseline ne travaillera pas dans le secteur militaire ou celui de la pornographie. Des projets de reconnaissances faciales pour accorder un crédit bancaire ? Très peu pour ses membres. Par contre, si l’entreprise accompagne une équipe en relations humaines, elle expliquera bien les enjeux éthiques de l’embauche et accompagnera son client à travers tout ce qui peut être possible dans l’utilisation de l’IA éthique. Baseline a réalisé beaucoup de contrats pour des firmes de génie, dont une grande entreprise de génie civil qui effectue beaucoup de collectes de données sur le terrain et qui avait besoin de pouvoir naviguer dans ses nombreux projets.
David Beauchemin parle avec beaucoup d’enthousiasme d’un projet que la coopérative a réalisé pour la Librairie Martin, à Joliette.
« Cette librairie cherchait un ERP (enterprise resource planning) spécialisé pour les librairies et n’en trouvait pas qui lui convenait, raconte l’expert en IA. Dans les enjeux qu’ils avaient identifiés, on trouvait le fait que d’embaucher un libraire capable de donner des conseils s’avère difficile, surtout lorsqu’on est en région et qu’il existe un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. Nous leur avons expliqué qu’il existait des solutions comme ChatGPT. Nous avons développé une solution qui fonctionne très bien et qui permet, par exemple, de trouver un livre jeunesse dont le nom du personnage principal est celui de l’enfant du client. On ne remplace pas l’expertise du conseiller, on vient lui donner un outil. »
Pour la prochaine année, Baseline s’est donné comme objectif de devenir une coopérative plus grande pour faire travailler davantage ses membres. L’entreprise vient tout juste de recevoir une des Bourses Jeunes Entreprises de l’AQT et compte bien en profiter pour participer aux activités de l’Association, que ce soit Vision PDG ou le Big Bang.
« Nous ne réinventons pas la roue. Cette bourse nous permet donc de rencontrer des gens qui ont de l’expérience et d’avoir des échanges avec les membres de l’AQT, explique David Beauchemin. Nous regardons aussi vers un accompagnement spécialisé avec des organismes comme Inno-centre. »
Aussi, dans les trois prochaines années, Baseline voudrait ouvrir des bureaux en mode coopératif qui pourraient accueillir d’autres start-ups.