Avec la pénurie de main-d’œuvre, les employeurs doivent trouver des façons d’attirer et de retenir leurs employés. Parmi les stratégies pour ce faire, ils peuvent adopter des politiques de ressources humaines et d’avantages sociaux qui leur donnent un avantage sur la compétition. Lors de l’édition 2022 du Big Bang, Frédérick Blanchette, président de Solertia, une firme-conseil en rémunération globale, avantages sociaux et gestion des ressources humaines, a expliqué comment fidéliser ses employés grâce à des stratégies de rémunération globales qui se démarquent.
Avec un partenaire en 2004, Frédérick Blanchette a fondé Solertia, avec l’objectif d’aider les PME à avoir accès à des ressources humaines dans le domaine.
« Les ressources humaines peuvent devenir stratégiques, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre, explique le cofondateur. Lorsque nous avons lancé la firme, nous venions de voir exploser la bulle technologique et on ne parlait pas encore de pénurie de main-d’œuvre. Il n’existait pas d’agence comme la nôtre. »
Le 1er janvier 2022, Solertia a fusionné avec le cabinet de Québec BGY Services financiers intégrés, joignant le volet avantages sociaux à son offre. L’entreprise compte aujourd’hui 50 personnes et connaît une belle croissance. Avec cette fusion, la firme a récupéré une partie des employés de BGY, dont Stéphanie Saumur, qui est aujourd’hui directrice relations clients, assurance collective, cheffe de pratique, santé et mieux-être, ainsi que conseillère en régimes d’assurance collective.
« Stéphanie est actuaire, elle comprend la complexité des programmes qui relèvent souvent du financier et du juridique, ajoute Frédérick Blanchette. Aujourd’hui, tout le monde veut offrir des avantages sociaux, s’intéresse à la santé et au mieux-être et a besoin d’accompagnement. »
En presque 20 ans, l’équipe de Solertia a pu observer des changements importants dans le secteur des TI. Dans les années 2000, tant les employeurs que leurs équipes pensaient d’abord au projet et, ensuite, à la rémunération qui pouvait être plus ou moins élevée. « Tout le monde travaillait pour la prochaine “patente” qui allait révolutionner le monde, note Frédérick Blanchette. La rémunération et les conditions de travail n’étaient pas si importantes. Aujourd’hui, les trois sont importants, les gens veulent le salaire, les conditions de travail et les projets. Il y a 20 ans, les employeurs en TI proposaient des espaces de travail cool. » Il se souvient d’une visite dans une entreprise installée dans un loft dans le Vieux-Montréal, où les employés se déplaçaient en Segway.
Aujourd’hui, le travail hybride et à distance ont changé les relations employeurs-employés. Il faut revoir la façon d’offrir des conditions de travail, estime le président de Solertia. Lorsqu’il a participé à un groupe de travail de l’AQT pour parler de conditions de travail, Frédérick Blanchette s’est fait dire qu’il devenait de plus en plus difficile de faire venir les employés au bureau plus que deux jours par semaine. Dans ce contexte, le défi est de développer un sentiment d’appartenance à l’entreprise. « Et ce n’est pas une question de contrôle, de logiciels espions pour mesurer la performance des employés, les PDG me l’ont clairement dit, explique-t-il. Au contraire, tous sont d’accord pour dire que les employés sont davantage productifs en télétravail. »
Ce n’est donc pas la productivité des employés qui est en jeu, mais plutôt le stress vécu par les employés : ils sont anxieux et vivent des enjeux personnels et professionnels, mais les patrons ne peuvent plus les retrouver à la machine à café pour prendre de leurs nouvelles. Au cours des dernières années, les entreprises en TI ont commencé à offrir davantage de programmes d’aide aux employés, des services de télémédecine, des programmes d’éducation financière, d’égalité ainsi que des protocoles en cas de maladie ou d’invalidité. La marque entreprise a pris de l’importance. Or, cette marque entreprise se développe d’abord à l’interne, indique le spécialiste, par les employés, mais plus particulièrement les gestionnaires. Il existe des outils tel que Amélio, qui collecte l’opinion des employés et identifie les leviers qui les motiveront et les fidéliseront, pour mieux connaître ses employés. AtmanCo a lancé récemment un coach virtuel qui permet de mieux connaître ses employés.
« Les gestionnaires sont les plus en détresse, alors que ce sont eux qui ont le plus haut taux d’engagement, note-t-il. Leur rôle s’avère de soutenir les équipes, mais ils sont brûlés. On leur en demande beaucoup, ils doivent être bienveillants, être de bons techniciens, des leaders, et doivent répondre aux demandes des employés. Ils ont tout un poids sur leurs épaules. » C’est en développant la marque employeur à l’interne qu’elle se développera à l’externe, dit-il. Et il revient à sa rencontre avec les PDG membres de l’AQT. Pour eux, la pénurie de main-d’œuvre n’existe pas. « Pourtant, je les ai “challengés” sur la question, souligne Frédérick Blanchette. Sur le plan global, il manque de gens, c’est mathématique, mais je pense que les bons employeurs vont se démarquer. Ils doivent clarifier ce qu’ils offrent et ce qu’ils n’offrent pas. »
Par contre, avec la pénurie de main-d’œuvre, les employeurs ont appris à dire non et à ne pas embaucher n’importe qui. Certes, il y a un manque d’employés, mais il faut faire en sorte qu’il y ait moins de roulement de personnel et de fidéliser les employés. Pour Frédérick Blanchette, trois éléments doivent être pris en compte. D’abord, il faut évaluer les tâches et les responsabilités à moindre valeur et, ensuite, les sous-traiter à l’extérieur du pays ou amener de la main-d’œuvre étrangère.
« D’ici 2030, le Québec va continuer à faire face à un déclin de la population, rappelle-t-il. Il faut donc automatiser les tâches qui peuvent l’être, ce qui peut prendre du temps, revoir les processus et maximiser les humains qui sont déjà en poste. Deuxièmement, on peut faire des bébés, une solution à très long terme. Enfin, on peut miser sur l’immigration. Or, on connaît la position du gouvernement québécois sur la question. »
En conclusion, Frédérick Blanchette estime que les entreprises n’ont pas fini de connaître des enjeux et les employeurs doivent investir sur le long terme. Ils doivent revoir les conditions et les processus de travail pour se repositionner sur les 3 à 5 prochaines années.