La croissance des entreprises technologiques demeure un enjeu majeur pour les PDG. Comment réussir sa croissance ? Quels sont les signes d’une croissance réussie ? Peut-on la rater ? Des questions que l’Association québécoise des technologies (AQT) a posées à Guillaume Bazinet, PDG de FX Innovation depuis juin 2020, également président du conseil d’administration du CRIM, François Jérôme Gosselin, président de Novatize, et Joé Bussière, président de Libéo depuis 2003 et associé de cette entreprise comptant 75 employés. La discussion était organisée par l’AQT avec le soutien d’Investissement Québec, et animée par Marc Lapointe, son directeur général adjoint, en compagnie de sa présidente, Nicole Martel.
Plusieurs éléments peuvent devenir signe de croissance, notent les trois intervenants. Pour le PDG de FX Innovation, qui accompagne les entreprises dans leur parcours de transformation numérique. Dans un premier temps, il s’agit d’atteindre les grands objectifs de son plan d’affaires, ce qui peut se traduire de plusieurs façons : le chiffre d’affaires, le nombre d’employés ou la croissance à l’international. Joé Bussière abonde dans le même sens : « À la fin de l’année, on va toujours regarder les profits et les revenus, dit-il. Pour nous, la croissance réside dans le fait de bâtir une équipe et d’embaucher davantage de gens. » Le patron de Libéo, entreprise qui développe des logiciels sur mesure et des applications personnalisées, se dit très fier de calculer le nombre d’emplois, malgré la pénurie de main-d’oeuvre.
Il demeure important d’atteindre ses objectifs d’affaires, note François Jérôme Gosselin. Novatize, une agence de commerce électronique spécialisée en stratégie, en développement, en marketing et en places de marché étant une firme de service, la croissance se voit également par le nombre d’employés, mais aussi par le développement des processus et des méthodologies de l’entreprise. Le but doit être clair, dit-il. Mais on peut également rater sa croissance, met-il en garde : « Si tu accumules des années avec un certain succès et un certain flux de trésorerie et que tu décides de tout investir dans ta croissance sans plan stratégique, tu peux la rater. » Tout est question de contexte, estime Guillaume Bazinet, de contexte et d’état d’esprit. « Le secret de FX est que nous avons su nous adapter, dit-il. Je suis le troisième PDG de l’entreprise. L’équipe de leadership doit évoluer selon le contexte, le plan doit être revu et corrigé selon le marché, la situation économique, les transformations du marché et l’industrie. » Le modèle d’affaires et le modèle de financement doivent aussi évoluer avec la croissance de l’entreprise.
« Il faut se renouveler, s’adapter et rester pertinent, souligne Joé Bussière. Cela fait 18 ans que je suis chez Libéo, je suis arrivé après la création de l’entreprise. C’est un méchant gros défi de rester pertinent après 25 ans. Jean-François (Rousseau) et moi avons découvert la réalité à travers la croissance, nos connaissances et nos capacités ont aussi évolué. » L’entreprise a eu à se réinventer au fil des 25 ans et, cette année, elle effectue un petit repositionnement, avec un nouveau slogan.
Il ne faut pas avoir peur de changer de leadership, Guillaume Bazinet donne l’exemple de Jeff Bezos qui a quitté la tête d’Amazon, ou encore de Serge Godin qui a annoncé en janvier 2020 qu’il partagerait désormais son poste de président exécutif du conseil avec sa fille Julie. « C’est vrai dans toute unité d’affaires, note-t-il. Il existe plusieurs leaderships dans une entreprise technologique. Ces leaderships peuvent avoir évolué. C’est la même chose pour le président ou le CEO, il faut des profils différents selon les stades de l’entreprise. »
La pandémie, on s’en doute, a eu un effet sur les entreprises numériques. La crise sanitaire a demandé beaucoup d’adaptation, avance François Jérôme Gosselin. Jusqu’en 2019, Novatize devait convaincre les entreprises de se tourner vers le commerce électronique. Maintenant, il n’en est plus question, les entreprises savent qu’elles doivent y aller. De plus en plus d’entreprises québécoises qui ont opté pour le commerce électronique décident de nommer une personne responsable de ce secteur et les dirigeants de Novatize ont eu à se questionner sur ce qu’ils devaient faire pour donner une nouvelle valeur à l’entreprise. Ils ont choisi de se spécialiser dans certains services. Sans pour autant cesser de développer des plateformes de commerce électronique, l’entreprise fait aussi des audits et des missions plus spécifiques.
La pandémie a aussi eu des impacts sur Libéo. Pendant le premier mois, les dirigeants ont travaillé très fort et n’ont pas beaucoup dormi, reconnaît Joé Bussière. « Après deux ou trois mois, la poussière est retombée. Et, à cause de la pandémie, on a vu une accélération de la transformation numérique. » Mieux encore, Libéo a connu un boom dans la demande, remplissant en quelques mois son carnet de commandes annuel. Si l’entreprise avait déjà une politique de télétravail, il a quand même fallu s’adapter au fait que tous les employés se retrouvaient exclusivement chez eux. En ce moment, l’entreprise adopte une politique de télétravail à 100 %. Cela a permis de recruter des employés en région. Sur les 75 employés que compte Libéo, une dizaine vit hors les régions de Montréal et Québec.
Pendant la crise sanitaire, FX Innovation est passé de 15 à une cinquantaine d’employés. « Cela faisait longtemps que nous investissons dans la marque employeur et cela nous a beaucoup aidés, indique Guillaume Bazinet. On voit rarement l’effet des investissements dans la marque employeur. Avec la pénurie de main-d’oeuvre, nous n’avons pas le choix. » Dorénavant, il faut aller débaucher les employés ailleurs et les convaincre de changer d’entreprise. Il faut donc devenir plus attirants que les autres.