Francis Dion le reconnaît : il est devenu entrepreneur par défaut. Passionné d’informatique depuis toujours, il a fait à peu près tous les métiers en TI, du soutien à la programmation en passant par l’architecture et la gestion d’équipes, toujours pour des grandes organisations. Au fil des années, il s’est tanné de mettre ses efforts, son énergie, sa passion et son coeur sur des projets qui faisaient des différences pour les entreprises et les utilisateurs qui se faisaient annuler par des « ronds de cuir », selon son expression, hauts placés dans la hiérarchie. « La dernière fois que cela m’est arrivé, je me suis dit que c’était la dernière », confie-t-il au Lien MULTIMÉDIA.
Mais bien avant de fonder sa première « vraie » entreprise, Francis Dion avait déjà la passion de la transmission de la connaissance. Tout jeune, il a fondé une école d’échecs. Il avait une dizaine d’employés qui enseignaient les échecs dans les écoles. En 2000, avec Eveline d’Orvilliers, il lance ce qui s’appellera d’abord l’Académie des processus, devenue Xpertdoc Technologies sept ans plus tard. L’entreprise fournit des services d’automatisation des documents et de gestion des communications avec les clients. En 2022, Xpertdoc est vendue pour 15 millions $.
Outre l’informatique, Francis Dion est également passionné par le fait d’aider les gens, la formation, l’idée de donner au suivant et de partager son expertise. Il devient coach et mentor pour plusieurs organismes tels que Montréal Inc., devenu Startup Montréal, MentorConnected, Coopérathon ou encore l’Institut Innovation Gatineau.
« J’ai dû accompagner une dizaine de start-ups pendant ces dernières années, dit-il. Chaque start-up nous apprend quelque chose, que ce soit une subvention qu’on ne connaissait pas, une approche différente à la commercialisation ou encore la façon de développer un logiciel pour moins cher que je le croyais. J’en retire toujours beaucoup. »
Lorsqu’on lui demande si, justement, il n’y a pas trop de programmes de soutien aux start-ups, incubateurs, accompagnateurs en tout genre, Francis Dion acquiesce.
« J’ai lu quelque part l’année dernière que le problème au Québec était qu’il y a plus de gens qui accompagnent les start-ups que de start-ups à accompagner, s’amuse-t-il à dire. Je suis un peu d’accord. Tous les conseils qui sont donnés ne sont pas nécessairement judicieux, c’est effectivement un enjeu. »
Au moment de notre échange, Le Lien MULTIMÉDIA et Francis Dion se trouvaient à Vision PDG, la grande rencontre des PDG organisée par l’Association québécoise des technologies. Or, ce dernier se souvient de sa première participation à l’événement. Ce fut pour lui une révélation. C’était la première fois qu’il rencontrait d’autres PDG en technologies.
« Dans ces années, c’était le désert, se souvient-il. Si tu partais une boîte, il fallait tout inventer, c’était une époque héroïque. Aujourd’hui, les start-ups ont la chance d’avoir beaucoup d’offres d’accompagnement, jusqu’à s’y perdre. Il va falloir se recentrer à un moment donné. Sommes-nous en train d’aider les start-ups ou juste en train d’alimenter le système ? »
Pendant la pandémie, Francis Dion a accompagné une jeune entrepreneure, Patricia Girard, qui voulait lancer son entreprise. Plus précisément, il développait un produit dont elle avait besoin, leur rapport en était un de fournisseur à cliente. Francis Dion a trouvé le projet tellement intéressant que son vieux réflexe de coach est remonté à la surface. Pendant un an, ils échangeaient une heure par semaine, sans attentes ni obligations, le vétéran lui donnant bénévolement des idées sur la façon de structurer l’entreprise.
« J’aimais de plus en plus cela et je me suis dit qu’on pourrait officialiser la situation, raconte-t-il. Je lui ai proposé de travailler avec elle une journée par semaine en échange d’actions. Nous l’avons fait pendant trois mois et cela n’a pas fonctionné, car une journée est devenue trois jours. Nous avons graduellement continué nos discussions et elle m’a surprise un beau matin en m’offrant de partager sa business si je m’engageais complètement dans le projet. » En janvier 2022, il est devenu vice-président de Plan Monark.
Francis Dion caresse l’idée de donner une conférence sur les plus mauvais conseils de mentors et d’accompagnateurs. Il donne en exemple ce mentor qui, alors qu’il conseillait une jeune entreprise qui avait déjà développé un produit, un argumentaire et une offre pour le milieu municipal, avait dit qu’il fallait abandonner ce marché.
« Comme coach, tu accompagnes, tu ne décides pas à la place de l’autre, s’agace-t-il. En réalité, une fois que le jeune entrepreneur a compris sa proposition de valeur, la pire chose qu’il puisse faire reste de changer de direction, surtout sur le conseil d’une personne qui a passé 15 secondes sur la proposition. »
Il reconnaît qu’il s’est lui-même parfois trompé. Ainsi, pendant la pandémie, il était coach pour Phenomena, une entreprise qui se spécialise dans les expériences en réalité virtuelle pour les centres commerciaux et les parcs d’attractions.
« On vivait la première vague de la COVID, les centres d’amusement étaient tous fermés à travers le monde. J’avais conseillé aux gens de Phenomena d’oublier ça, que leur idée ne fonctionnerait pas. Les gens n’allaient pas se mettre un casque sur la tête sans savoir s’il avait été désinfecté. Mais ils ont décidé de poursuivre leur chemin. »
Aujourd’hui, l’entreprise oeuvre dans 30 pays à travers le monde. Comme quoi, le rôle de coach n’est pas de dire quoi faire, mais de pousser à réfléchir, conclut Francis Dion.